Ce texte est entiÚrement vrai. Sauf les parties qui sont totalement inventées.
âł Sans touristes, le temps est suspendu au magasin. L'appĂ©tit insatiable d'objets Ă offrir et des moments Ă partager sâest soudainement Ă©teint avec les lumiĂšres de NoĂ«l. LâaustĂ©ritĂ© sâinstalle avec des jours de plus en plus gris, de plus en plus interminables. Il faudrait se remettre au sport, au yoga, et mĂȘme oser le rebondissement sur lâasphalte â le footing â pour se vider la tĂȘte, se remettre d'appoint, oublier que rien ne va plus vraiment et que ça nâira quâen sâempirant⊠Câest du moins ce que jâentends Ă chaque fois que jâentretiens une conversation autre quâavec Madame ChĂątaigne.
đŸ Câest puĂ©ril de parler Ă un chat ! Et tout aussi ridicule de le personnifier Ă ce point ! Jâen suis tout Ă fait consciente, mais Mme ChĂątaigne est devenue ma confesseuse officielle depuis que jâai arrĂȘtĂ© de verser la moitiĂ© de mon salaire de smicarde Ă une psy. Une sĂ©ance avec elle mâapporte plus de rĂ©ponses quâune heure top chrono au cabinet. Avec Mme ChĂątaigne, câest beaucoup plus efficace : lorsque je lui dĂ©voile mes dĂ©boires, elle enfonce ses griffes dans mes cuisses pour que je me ressaisisse et continue Ă la caresser avec fermetĂ©. Je pleure moins, jâĂ©pargne plus â Ă dĂ©faut de pouvoir facturer quoi que ce soit Ă quiconque. Parce que contrairement Ă ce que bipe Shakira, nous les femmes continuons Ă facturer toujours moins que les hommes.
10h05. J'ouvre le magasin avec cinq minutes de retard, et alors ? Je fais grĂšve Ă ma façon. Je perturbe la prise quotidienne de sucre de certains individus pour quâils gagnent quelques minutes supplĂ©mentaires en fin de vie. Lors de cette prolongation, ils pourront au moins profiter dâune retraite Ă©miettĂ©e par un systĂšme qui a flinguĂ© notre confiance dans lâavenir.Â
10h15. Jâattends que quelquâun entre au magasin. Personne. Jâappelle une pote. La dĂ©cision est prise, elle se casse. Je lâadmire. Elle sait ce quâelle veut alors que moi je piĂ©tine en attendant le prochain bilan de mon mec : âmeuf pas assez stable pour se projeter avecâ. Dossier ajournĂ© en attendant quâelle retrouve un statut, un salaire, une attitude moins effrontĂ©e⊠Bref, quâelle apprenne Ă se plier aux rĂšgles du jeu. Â
10h20. Je mâallonge sur un congĂ©lo en arriĂšre-boutique pour soulager mes courbatures de jambes. Depuis que je me suis mise Ă la danse, je regrette le yoga. Je nâen souffrais finalement que pour son cĂŽtĂ© dogmatique et la tendance des profs Ă dĂ©nigrer tout autre forme dâexpression corporelle comme le cirque ou la gymnastique. Le come-back me nargue. Mon bas du dos tassĂ© et mes muscles raccourcis se rajoutent au combat. Je finirai bien par ravaler mes critiques une fois assise en tailleur des invocations plein les oreilles.Â
10h22. Câest encore trĂšs tĂŽt pour que je commence Ă mâempiffrer de chocolats. Je me prĂ©pare un cafĂ© qui me protĂšge de lâabandon de poste. Je me souviens qu'un pote serveur sâĂ©tait barrĂ© de son taf en courant au milieu du service. Jây songe, mais la patronne de la boutique est ma pote. La fidĂ©litĂ© ne vaut quâen amitiĂ©.Â
10h23. Et si je relançais ma recherche infructueuse de travail ? JâhĂ©site. Il faut ĂȘtre vraiment solide pour sâattaquer Ă un chantier pareil. La volontĂ© personnelle ne suffit pas Ă sâĂ©lever socialement ni Ă outrepasser les prĂ©jugĂ©s. Il faut rencontrer les bonnes personnes au bon moment et lĂ jâattends que quelquâun pousse cette foutue porte.Â
10h24. Je vais attaquer lâĂ©criture de ma newsletter de demain :Â
On hĂ©berge une fille Ă rupture. Elle a ramenĂ© du tartare aux algues.Â
â Ce nâest pas un tartare alors ! Mâinterrompt ma collĂšgue.Â
â Oh fais gaffe ! Si un vĂ©gĂ© prosĂ©lytiste colĂ©rique tâentendais, tu aurais droit Ă âŠ
10h25. Le premier client franchit la porte.Â
à servir des macarons, je préfÚre l'oisiveté.
Je te remercie dâavoir lu mon texte â€ïž
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Bon week-end đ
Cata
PS : si tu lis en mode fantĂŽme, pense Ă tâinscrire đ